L'imprévisible nouveauté

Publié le par Louis Burle

Bergson aborde la question de l'origine des angoisses métaphysiques dons son essai intitulé Le possible et le réel ; il évoque pour une part l'une des failles de la philosophie depuis ses origines :

" Mais la vérité est que la philosophie n'a jamais franchement admis cette création continue d'imprévisible nouveauté. Les anciens y répugnaient déjà parce que, plus ou moins platoniciens, ils se figuraient que l'Être était donné une fois pour toutes, complet et parfait, dans l'immuable système des Idées : le monde qui se déroule à nos yeux ne pouvait donc rien y ajouter ; il n'était au contraire que diminution ou dégradation ; ses états successifs mesurerait l'écart croissant ou décroissant entre ce qu'il est, ombre projetée dans le temps, et ce qu'il devrait être, Idée assise dans l'éternité ; ils dessineraient les variations d'un déficit, la forme changeante d'un vide. C'est le Temps qui aurait tout gâté. Les modernes, il est vrai, se placent à un tout autre point de vue. Ils ne traitent plus le Temps comme un intrus, perturbateur de l'éternité ; mais volontiers, il le réduiraient à une simple apparence. Le temporel n'est alors que la forme confuse du rationnel. Ce qui est perçu par nous comme une succession d'états est conçu par notre intelligence, une fois le brouillard tombé, comme un système de relations. Le réel devient encore une fois l'éternel, avec cette seule différence que c'est l'éternité des Lois en lesuqelles les phénomènes se résolvent, au lieu d'être l'éternité des Idées qui leur servent de modèle. Mais dans un cas comme dans l'autre, nous avons affaire à des théories. Tenons-nous-en aux faits. Le Temps est immédiatement donné. Cela nous suffit, et, en attendant qu'on nous démontre son inexistence ou sa perversité, nous constaterons simplement qu'il y a jaillissement effectif de nouveauté imprévisible. "

Publié dans Philosophons

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